L’expérience client (CX) au cœur de la performance
L’expérience client, ou CX (customer experience), est devenue un levier essentiel de compétitivité et une priorité pour la plupart des organisations privées et même publiques.
On ne va plus seulement au restaurant, on fait aussi du « click and collect »… Avant d’acheter, on googlise, on scrute les retours clients sur les réseaux sociaux, on compare les prix… On se rend au magasin dès que possible pour voir et on s’attend bien sûr à un service après-vente impeccable.
Cela pour plusieurs raisons :
- la liaison et compénétration devenue indissoluble entre services et produits ;
- la multiplication du nombre de canaux de communication (web, réseaux, presse, …) ;
- la transformation digitale qui combine physique, web, réseaux sociaux dans une expérience omnicanale ;
- le changement fondamental d’attitude des consommateurs : moins sensibles aux outils traditionnels du marketing et plus exigeants, plus connectés, plus « réseau », plus informés, et… plus volatiles ;
- la personnalisation des produits et services.
La crise COVID a traversé nos vies accélérant la digitalisation et renforçant ces tendances.
Que l’on vende des vêtements, un service de restauration ou encore une prestation de conseil, l’expérience client est fondamentale pour bâtir une relation de longue durée avec le client, dans un contexte de plus en plus complexe.
Mais partons du début : qu’est-ce que c’est la CX ?
Nous sommes plus accoutumés au UX (User eXperience), l’expérience utilisateur, qui ne constitue qu’une partie de l’expérience client et concerne l’utilisation d’un produit, d’un service, d’une application mobile ou d’un site web.
Comment alors pourrions-nous définir l’expérience client ?
Pour aller à l’essentiel, l’expérience client concerne l’ensemble des interactions avec ce dernier, de la phase de recherche d’information, en passant par la vente et jusqu’aux services d’après-vente et à la fidélisation.
La CX : un enjeu stratégique.
La CX est intrinsèquement liée à la satisfaction client et impacte fortement l’intention ou la réitération de l’achat, et donc, in fine, le chiffre d’affaires et les coûts (réduction des coûts marketing, service client, …) des entreprises.
Afin d’illustrer les risques générés par une expérience client insatisfaisante, il suffit d’évoquer quelques chiffres : selon un rapport réalisé l’année dernière par PwC, 32% des clients ayant eu une expérience décevante ne réitèreront pas leur achat. Ce pourcentage atteint quasiment 65 % après plusieurs expériences décevantes. Un autre effet induit par une mauvaise expérience client est l’atteinte à l’image de marque. De quoi s’inquiéter pour la rentabilité de notre entreprise…
Vice-versa, un changement de la culture d’entreprise, mettant au cœur de la stratégie l’expérience client, avec les évolutions organisationnelles et IT nécessaires, peuvent générer une augmentation de 20 à 30% de satisfaction client, de 10 à 20 % de satisfaction des salariées et des gains économiques entre 20 et 50 % (Source : McKinsey, 2019, « What matters in customer-experience transformations »).
C’est face à ce constat que la mise en place d’une expérience client satisfaisante devient un objectif stratégique pour toute entreprise : l’expérience client (CX) est devenue le nouveau front de bataille de la performance des entreprises.
81 % des spécialistes du marketing responsables de CX déclarent qu’ils s'attendent à être en concurrence principalement ou complètement sur la base de l’expérience client en 2020 (Gartner).
Le reflexe immédiat (et classique), une fois que l’on prend conscience des enjeux liés à la CX, est d’aller tout de suite chercher l’outil, ou les outils, pour ce faire.
Mais cela reviendrait, dans la plupart des cas, à trop vite sauter vers la case « solution », sans avoir pris le temps de définir le problème et par conséquent, la réponse stratégique à apporter.
Quels sont les ingrédients d’une expérience positive ? Rapidité, prix, approche client et aussi une synapse incontournable : le « human touch ».
Suite à la crise sanitaire et économique qui s’en est suivie, la variable prix va compter davantage (la propension à l’épargne des foyers augmentant avec la crise économique), tout comme l’achat en ligne. Une attention significative sera portée sur les questions de santé et de sécurité.
Au-delà de ces tendances globales, si nous souhaitons mettre la CX au cœur de notre business, il vaut mieux commencer par dresser un état des lieux de l’expérience de nos clients, analyser les résultats, définir nos objectifs, pour ensuite identifier les solutions les plus adaptées. Qu’est-ce qui ne marche pas bien pour nos clients ? Quel sont les points de friction ?
Et la technologie alors ? IA, paiements mobiles, chatbots, « voice search », réalité augmentée… Ce ne sont pas les solutions ?
La technologie en soi n’est jamais la solution per se : elle est au service des salariés et des clients pour faciliter, personnaliser et fluidifier l’expérience d’une manière inconcevable il y a quelques années encore.
Procédons donc étape par étape et partons de l’état des lieux de l’expérience de nos clients.
Parcours client et « personae » : les outils clés pour analyser l’expérience client
Un concept étroitement lié à celui de l’expérience client est celui de « parcours client » (Customer Journey), soit l’ensemble des étapes réelles ou potentielles entreprises par le prospect ou utilisateur tout au long de sa relation avec notre organisation.
Bien souvent, ce parcours commence avant la phase de décision d’achat, avec la prise de conscience du besoin, la collecte d’information, la sélection des produits et/ou services jusqu’à l’achat, pour se poursuivre ensuite par les services post vente et la phase de fidélisation.
Typiquement, les phases les plus fréquemment rencontrées sont les suivantes :
- prise de conscience du besoin / de l’envie,
- recherche,
- découverte du produit / service,
- achat,
- livraison,
- utilisation,
- évaluation,
- fidélisation,
- recommandation.
Il n’existe pas un parcours standard, identique pour tous nos clients. Les parcours varient en fonction du profil client.
La détermination de nos cibles et la construction de portraits, les « personae », décrivant les principales catégories de clients est alors notre point de départ.
Un « buyer persona » est la représentation d’un segment de notre clientèle dont nous synthétisons le profil complet, en incluant sa situation professionnelle, ses objectifs, ses comportements technologiques, ses souhaits, ses rêves….
Savoir à qui nous nous adressons nous aidera à créer du contenu adapté et choisir comment le communiquer – articles de blog, newsletters, publications sur les réseaux sociaux…- mais aussi à harmoniser et synchroniser les campagnes marketing en fonction des habitudes de votre persona.
Pour chaque « persona », nous allons ensuite cartographier le parcours client (customer journey mapping), identifiant les points de contact potentiels avec notre entreprise.
En effet, dans son parcours de choix, le client entre en contact avec notre entreprise à plusieurs reprises (et avec la digitalisation des échanges et les réseaux sociaux, les occasions de contact augmentent !).
Ces points de contact dans le parcours client, ou « touch points », sont très importants pour nous car c’est là que nous pouvons intervenir pour établir et améliorer l’expérience client.
C’est sur la base de l’analyse des données relatives aux interactions qui se déroulent aux points de contact que nous pouvons établir un état des lieux de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas dans l’expérience de nos clients. Mais attention, il ne s’agit pas d’optimiser chaque point de contact, mais, plutôt, de garder à l’esprit l’objectif final du client et d’améliorer les interactions qui créent davantage de friction dans son parcours.
Par exemple, dans le cas d’un client du secteur de la cosmétique, nous avons identifié l’ensemble des « touch points » critiques dont deux, particulièrement à risque :
- la phase de collecte d’informations sur les produits : UX du site web surtout (pléthore d’informations, complexité de la navigation, …), mais aussi manque de conseil, en boutique comme sur le site.
- la livraison (paquets abimés dans le transport, produits ouverts…).
Ces deux phases ont constitué le cœur de l’accompagnement : notre objectif a été notamment d’éliminer les points de friction induisant l’insatisfaction des clients et de viser à élargir le nombre de clients potentiels.
Naturellement, la correction de notre analyse à partir des personae et du parcours client dépend de la disponibilité de données quantitatives et/ ou qualitatives pertinentes.
Et toutefois, même quand les informations disponibles sont limitées, l’exercice est, en soi, porteur d’éléments de réflexion.
Ça a été le cas, par exemple, du travail mené pour Chroniques, la biennale des imaginaires numériques : nous avons construit les « personae » et le parcours client en atelier essentiellement sur la base des retours d’expérience de l’équipe, les données quantitatives disponibles étant insuffisantes.
Un travail aux vertus multiples : l’implication et engagement de l’ensemble de l’équipe et une réflexion collective qui a conduit rapidement à des actions concrètes.
Cela nous a permis aussi de commencer à réfléchir à la typologie de données la plus pertinente pour améliorer en continu la CX des visiteurs de la Biennale.
Il en reste que, et de plus en plus, la collecte et la bonne analyse des données sont devenues un enjeu majeur pour toutes entreprises voulant construire, améliorer ou personnaliser l’expérience clients.
La DATA dans l’analyse de l’expérience client : la clé de voûte
De quelles données avons-nous donc besoin ?
De données qualitatives, remontées grâce à l’analyse des retours de commerciaux et de vendeurs, des retours publiés sur les réseaux sociaux, blogs, … d’enquêtes d’observation directe du comportement client ou de sondages de satisfaction.
Pour une collecte de données qualitatives efficace, c’est important de le souligner, l’implication des équipes est fondamentale. La qualité de l’information dépendra de la qualité de l’écoute des clients et prospects à chaque « touch point ».
En ce qui concerne les données quantitatives, il peut s’agir d’éléments puisés dans des paramètres d’utilisation : nombre et provenance des visiteurs de notre site (accès direct, sites référents, moteurs de recherche, …), temps de permanence sur le site, profil, typologie de produits à plus fort taux de conversion, taux d’abandon, phase d’abandon …ou encore des données collectées dans le CRM.
La question de la data est stratégique, opérationnelle et intrinsèquement liée à celle – et finalement on y arrive ! – des outils.
- Elle est stratégique car les données nous permettent de dresser l’état des lieux qui va orienter nos décisions et fixer les KPI.
- Elle est opérationnelle puisqu’elle alimente notre plan d’action correctif en fonction des potentielles frictions identifiées dans le parcours client.
- Elle est intrinsèquement liée au choix des outils car en fonction de notre état de lieux, nous pourrons mieux comprendre quelles sont les données clés nécessaires pour comprendre et améliorer la CX et faire notre choix sur les outils les plus adaptés à collecter, traiter, analyser et visualiser la data.
La panoplie des outils est large et les choix doivent être opérés en fonction des besoins de l’entreprise : les solutions CRM comme SalesForce ou d’analytics comme Google Analytics offrent une première réponse aux besoins de collecte de données. Cependant, ces données sont souvent considérées comme « froides » car elles ne nous permettent pas, seules, de dresser des analyses suffisamment fines des comportement de nos clients.
Les analyses les plus approfondies naissent du croisement de toutes les données disponibles, qualitatives et quantitatives et de leur alignement avec les KPI de performance choisis.
Il existe peut-être à cet égard encore un obstacle à une exploitation efficace des données de nature et origine différentes : la difficulté à briser les silos de données pour connecter et analyser les interactions des clients entre les différents canaux et l’expérience client, ainsi qu’à les relier aux KPI de performance de l’entreprise. Mesurer et comprendre l’impact de l’expérience renforce l’engagement des employés et instaure une culture orientée client.
Les outils de réconciliation des données commencent toutefois à se diffuser :
- Les DMP (Data Management Platform), permettent de réconcilier et segmenter les données clients. Ainsi, toutes les données peuvent être intégrées et normalisées, afin de les faire correspondre pour un seul et même individu.
- D’autres solutions comme la CDP (Customer Data Platform) permettent d’aller plus loin et bien comprendre le comportement des internautes.
Mais, encore une fois, la technologie reste un « enabler » : elle nous permet de « faire » et faire mieux, sans être en soi la solution.
A la collecte suit l’analyse et l’interprétation des données. Cette étape est essentielle pour définir notre plan stratégique et opérationnel et, souvent, nécessite un travail d’interaction et itération entre les équipes et des experts de data analytics.
La prise en compte de l’expérience client impacte l’entreprise dans sa globalité et remet les salariés au centre de notre stratégie
Le lien entre expérience client et KPI de performance met l’accent sur l’ensemble des implications en termes de Business model et organisation qui découlent d’un choix de stratégie orientée CX.
Un sujet souvent négligé dans la pratique.
Mon constat, assez étonnant, est d’une focalisation du débat sur la méthode (personae, journey map, data, …), les outils, éventuellement le ROI… Mais on parle rarement de l’impact d’une réflexion autour de l’expérience client sur la culture, l’organisation et le management d’entreprise. L’une des raisons qui peuvent expliquer cela est que très souvent la porte d’entrée de l’expérience client est le marketing (ou même la communication), plutôt que la stratégie. Et pourtant l’un est bien une facette de l’autre mais pas la seule à être impactée par une approche centrée client.
Dans les faits, cette approche investit souvent l’ensemble du business model de l’entreprise : segmentation client, relation client, canaux de distribution et communication, ressources humaines et technologiques, partenariats… pour se répercuter in fine sur les coûts et les revenus.
Toutefois, la clé reste la culture de l’entreprise et l’humain : les salariés et leur engagement au service du client.
La décision de mettre l’expérience client au cœur de la culture de l’entreprise et de sa stratégie, nécessite tout d’abord d’abattre les silos organisationnels et de mettre en place une organisation inter-fonctionnelle permettant aux équipes de partager informations et solutions, créant une boucle permanente d’échange.
La clé du succès réside aussi dans une forte prise de conscience des salariés de l’importance de la relation client à chaque « touch point » du parcours, et une intégration dans leur quotidien des outils permettant de suivre et améliorer ce parcours.
Les premiers à devoir être fidélisés et engagés sont bien eux, les employés. Ils sont, en effet, les premiers « clients » de l’organisation.
Le travail sur l’expérience client est un travail de transformation de l’organisation et du management de l’entreprise qui entraine un besoin d’accompagnement, de formation et l’appropriation opérationnelle de la démarche par les collaborateurs.
C’est pour cela que nous intégrons souvent dans l’accompagnement de nos clients des étapes de formation-action qui permettent aux équipes de s’approprier une vision d’ensemble du Business Model, et des connexions entre leur action, l’expérience client dans son ensemble et les KPI de rentabilité. Ce qui permet de poser les bases pour concevoir, construire et mettre en œuvre une expérience client adaptée, en impliquant l’ensemble des équipes et le management et en travaillant sur l’opérationnalisation du projet.
Derrière l’efficacité d’une stratégie orientée « CX » il y a néanmoins une condition sine qua non : la volonté des dirigeants de se remettre en question.
Auteur
Gabriella Fiori
Design de services, Business Model, analyse marché, économiste.
Cet article a été rédigé avec la collaboration de l’Agence Firstcom
et d’Éric De La Broise Chef de projet Data / Analytics.