Je poursuis avec ce deuxième billet le microcycle de posts sur le business design.
Cette fois-ci j’essaie d’aborder la question de la différence entre le business design et le conseil parce que, et non, ce n’est pas exactement pareil…
L’une des questions auxquelles nous sommes confrontés en expliquant notre métier est typiquement : « … mais, enfin, quelle est la différence entre un consultant en stratégie et un business designer ? ».
La question est pertinente, d’autant plus que le Business Design se positionne à l’intersection de plusieurs domaines : le design de services, la stratégie, l’analyse commerciale et le conseil -juridique et financier- en gestion.
Cette nature hybride est quelquefois à la base de la difficulté à distinguer le Business Design du conseil traditionnel.
L’analyse que je tire de mes différentes expériences, des deux côtés de la profession, me conduit à la conclusion que la différence réside en trois facteurs essentiels :
- la motivation,
- l’orientation à l’action,
- la perspective.
Motivation.
Commençons par la motivation. Même si, en général, les consultants et les business designers sont tous deux orientés « efficacité » et « résultat », la principale motivation d’un consultant est de maximiser la marge financière à court terme, alors qu’un business designer est d’abord motivé par la recherche de solutions à des besoins humains (cf : Design Thinking: comprendre l’innovation , Hasso Plattner, Christoph Meinel et Larry Leifer).
Derrière cette posture, il y a la conviction que si, in fine, tout business doit être rentable, c’est l’attention à l’humain qui va en garantir la viabilité à long terme. Elle passera par la qualité de la réponse apportée à un besoin et aussi par l’attention à l’organisation et au bien-être des salariés au sein de l’entreprises.
Repartir de l’humain implique que le Business Design débute par ces besoins humains, considérés comme inaltérables (nutrition, abri, mobilité, socialité, …) et que seules les technologies et les conventions sociales évoluent en toile de fond.
Prenons un exemple concret : la réponse au besoin de mobilité qui a conduit à la production de la voiture. L’industrie automobile évolue sur les plans de la technologie vers l’électrique et l’hydrogène, et vers la mobilité « as a service » (ce qu’on appelle MaaS ou Mobility as a Service : avec des solutions de LOA, de covoiturage comme BlaBlaCar, ou encore des modalités d’abonnement qui permettent l’accès à tous les services de transport publics comme Citymapper ou Whim).
L’orientation à l’action.
Le deuxième facteur de distinction est l’orientation à l’action : rendre les idées tangibles, prototyper, tester. Cela facilite toujours la communication et permet aux porteurs de projets de traiter les prototypes comme des « supports de communication ».
Surtout, il s’agit du modus operandi le plus efficace pour valider les projets dans des environnements réels, afin d’en vérifier la viabilité le plus en amont possible. Cela permet, par exemple, de vérifier quelle est la perception de la valeur de la solution par les usagers et le prix qu’ils sont prêts à payer, comme l’ont fait Waymo et Spotify en soumettant des prix factices à un pool d’utilisateurs potentiels.
La perspective.
Enfin, mais c’est peut-être le point essentiel : le Business Design propose une vision holistique d’un projet, qui va de la conception à sa mise en œuvre opérationnelle. Le conseil « traditionnel » lui, peut se cantonner à intervenir sur un seul volet : l’organisation ou la mise en œuvre d’un système de gestion optimisé, ou encore l’analyse du véhicule juridique. Très rarement la vision est d’ensemble et les interrelations entre les différentes dimensions du projet sont mises en exergue.
Je trouve que cette approche est particulièrement bien synthétisée par le Value Proposition Canvas et Business Model Canvas que nous utilisons dans notre travail.
Il y a un corollaire qui est très important pour moi et qui découle de l’approche holistique des projets : la nécessité et le plaisir de travailler en équipe pour explorer des solutions nouvelles.
Il est évident que les compétences d’un consultant en management et stratégie et d’un Business Designer sont complémentaires, et les espaces de collaboration possibles. Les expériences professionnelles de notre équipe le montrent. Ce qui diffère, ce sont l’esprit, résolument humaniste, et l’approche, plus concrète et plus opérationnelle.
Une différence qui n’est pas marginale et qui interpelle quant à la course (dont on a brièvement parlé dans le dernier billet) des grands cabinets de conseil multidisciplinaires à l’acquisition d’agences de design. Est-il possible de concilier deux cultures qui, au fond, diffèrent sur le plan de la vision métier mais surtout, des valeurs? Mon expérience, directe et indirecte, semble indiquer que si la tendance est à l’intégration de ces deux professions, dans la pratique le succès n’est pas si évident que ça…
Pour aller plus loin sur ce sujet, le prochain billet sur le Business Design portera sur ses outils.